Pour ce qui est du recours à 2 machines à voter dans les bureaux de vote de plus de 1 200 inscrits, le Ministère de l'Intérieur a saisi le Conseil Constitutionnel qui vient d'indiquer que " seule une machine à voter devait être utilisée par bureau de vote, interprétant ainsi l'article L.62 du code électoral de façon restrictive mais établissant un parallèle entre l'urne classique et l'urne électronique".
Par ailleur, la subdivision de la liste électorale ne pose aucune difficulté et permettra ainsi de gagner du temps sur la procédure d'émargement.
Lettre ouverte à l’attention de Madame le Maire de Colombes
Madame le Maire,
J’ai bien reçu, de la part de Madame Véronique Vignon, la réponse à mon précédent courrier relatif au vote électronique et je vous en remercie. Je me permets de reprendre certains points de cette réponse, et d’y ajouter quelques nouveaux éléments, au vu des évènements de dimanche dernier.
« L’objectif de la ville est d’alléger la préparation des élections » :
- il faut de toutes façons mettre sous enveloppes les professions de foi ; y ajouter quelques bulletins de plus ne paraît pas tellement contraignant ni coûteux.
- Il faut acheminer au bureau de vote une machine lourde et encombrante : ce qui n’est pas tellement moins ennuyeux que d’y acheminer urne et isoloirs.
- Désormais il faut former les présidents des bureaux de vote, les assesseurs, les secrétaires… informer les électeurs… publier des modes d’emploi… imprimer des courriers à joindre aux cartes d’électeur…
- Il faudra stocker toute l’année dans des bureaux sécurisés plusieurs machines qui représentent un certain volume
- Les machines doivent être préparées, programmées, scellées, entretenues, vérifiées, mises à jour par du personnel qualifié… alors que l’urne transparente peut être stockée dans n’importe quel local, sans entretien, et ceci sans aucun inconvénient.
« L’objectif de la ville est de rendre le vote accessible pour tous » :
- Nous avons tous pu constater le dimanche 22 avril combien les personnes âgées, déficientes visuelles, handicapées ou malhabiles étaient désemparées devant ces machines.
« La programmation (…) est effectuée en présence des délégués des candidats et d’un huissier de justice (…) » :
Ce point ne garantit pas à l’électeur que lorsque l’écran de la machine affiche « candidat A », le vote n’ait pas été enregistré en faveur du « candidat B ».
Ces sont des ordinateurs de vote (le mot « computer » est inscrit sur l’étiquette du fabricant), ils fonctionnent grâce à un programme informatique développé par une société privée étrangère, et ce programme est protégé par le secret professionnel : personne ne sait exactement comment fonctionne le matériel auquel on confie pourtant l’issue d’un scrutin national. On peut certes imprimer des pages de tests, mais nul ne peut vérifier que le logiciel ne comporte pas une erreur involontaire ou bien délibérée, que la machine n’est pas programmée pour varier ses enregistrements au cours de la journée de vote, ni qu’elle est efficacement protégée contre les incidents ou malveillances.
« Enfin, cette dématérialisation (…) entraîne une économie substantielle de papiers et s’inscrit dans la démarche de développement durable engagée par la ville. » :
Pour fabriquer ces machines, il faut produire des puces électroniques, des circuits, une cassette mémoire, du plastique, un écran : autant de matériaux onéreux et polluants. Le papier peut être recyclé, et il est naturellement biodégradable ; en revanche le plastique et l’informatique polluent pour longtemps. Par ailleurs, ces machines consomment de l’électricité pendant plus de 12 heures les jours de vote. Je ne vois pas où se situent les avantages, tant sur le plan de l’économie que sur le plan environnemental.
Dimanche 22 avril, des centaines de milliers d’électeurs en France ont été confrontés à des files d’attentes inhabituelles, et ont dû patienter pendant plusieurs dizaines de minutes, parfois plus d’une heure, afin de pouvoir exprimer leur suffrage. A Colombes, certains bureaux de vote ont connu des engorgements mémorables. Je vote depuis des années dans le même bureau de vote : jamais je n’avais attendu plus de quelques minutes, même en cas d’affluence. Des électeurs entassés dans la salle pour fermer les portes à 20 heures, des votants enregistrés jusqu’à 21 ou 22 heures: je n’avais jamais entendu parler de ce cas de figure avant la mise en place de ce système de vote. De nombreux Colombiens se sont présentés plusieurs fois pour voter, n’ont pas pu accéder au bureau de vote et ne sont pas revenus. Si les conditions restent les mêmes : ils ne reviendront pas au deuxième tour, ni pour les élections législatives. Si l’ensemble des électeurs inscrits se présentait pour voter, il serait matériellement impossible de tout traiter en 12 heures. Dans les files d’attente, plusieurs personnes protestaient énergiquement contre ce système de vote. Plusieurs ont regretté de ne plus participer au dépouillement, qui est un temps fort, une occasion unique de rassembler les citoyens.
L’argument de la rapidité d’obtention des résultats du vote n’est pas défendable : avant de procéder au décompte, il faut tout d’abord effectuer le travail administratif (par exemple totaliser les émargements, les votes par procuration, compter les cartes d’électeurs restantes, reporter des chiffres) et cela occupe environ une heure ou deux s’il n’y a pas d’incident ; pendant ce temps, des électeurs organisés en tables de 4 auraient le temps de compter des bulletins papier.
De nombreuses personnalités politiques, des élus de tous bords, des ingénieurs, des informaticiens et de simples citoyens s’interrogent sur le bien-fondé de l’utilisation de ces machines. La presse (écrite, radio, télévisée) française et internationale aborde le sujet. A l’étranger, des dysfonctionnements ont été constatés. Certains pays sont revenus sur leur décision, ou bien appliquent un moratoire. En France, plus de 80000 personnes ont déjà signé la pétition pour le maintien du vote papier. Plusieurs villes, de tendances politiques différentes, ont tardivement décidé de ne pas s’engager dans la voie du vote électronique. Après les mécontentements et dysfonctionnements constatés dimanche dernier, après que des erreurs aient été signalées, après que des citoyens aient publiquement déchiré leur carte d’électeur : quatre municipalités ont pris la courageuse décision de revenir au vote papier pour le deuxième tour prévu le 6 mai, ainsi que le préconise le Conseil Constitutionnel dans son communiqué à propos du bilan du premier tour*.
Madame le Maire, je vous serais reconnaissante de bien vouloir revenir au vote papier , car ces ordinateurs de vote, en l’état actuel, sont encore bien éloignés de remplir les objectifs du votant : un vote accessible, fiable, rapide, et vérifiable par l’électeur lui-même, comme le stipule notre code électoral.
Veuillez agréer, Madame le Maire, mes sincères salutations.
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« (…) Il reste que, ici ou là, l'usage des machines à voter n'est pas psychologiquement accepté, à tort ou à raison, par une part importante de nos concitoyens. Un certain climat de psychose n'y est pas étranger.
Il est vrai aussi que certains modèles au moins, parce que trop sophistiqués, ont provoqué des files d'attente.
Dans ces conditions, le plus sage serait sans doute, lorsque des problèmes sérieux se sont produits le 22 avril (pannes, bouchons, polémiques…), d'y renoncer provisoirement afin de mettre les prochaines échéances électorales, y compris le second tour de l'élection présidentielle, à l'abri de toute contestation. »
Source :
http://www.conseil-constitutionnel.fr/dossier/presidentielles/2007/documents/tour1/bilan.htm
Rédigé par : Claudine Deslandres | 28 avril 2007 à 16:24